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Live Report #21 : Thomas de Pourquery & Supersonic à la Gaîté lyrique (25 avril 2017)

Publié le par Tehos

À ma grande surprise, lorsque j'arrive devant la Gaîté lyrique à peine un quart d'heure avant l'horaire annoncé, il n'y a qu'une quinzaine de personnes qui patientent dans le froid. Notre attente sera ponctuée par le passage furtif d'un chauve barbu, qui vient saluer l'un de mes voisins et que nous reconnaissons tous immédiatement. Il s'agit du saxophoniste et chanteur Thomas de Pourquery, qui se produit ce soir avec son projet Supersonic. Ne connaissant pas trop le travail de notre hôte, je viens surtout voir le groupe, que j'ai découvert en live à l'occasion d'un hommage à Sun Ra et dont je garde un excellent souvenir. À l'origine prévu pour être éphémère, la formation a d'ailleurs sorti un album consacré à l'œuvre du prophète cosmique, mais Thomas de Pourquery a eu la bonne idée de prolonger l'aventure et je ne peux que l'en remercier. Le nouvel opus du groupe est un très bon disque, qui cette fois est composé de morceaux originaux. Ce soir, c'est donc la release party de l'album et je suis bien content d'y être, parce qu'il y a des soirs comme ça, où je sens que ça va le faire et puis j'ai aussi besoin de me sortir la tête des présidentielles et d'oublier que Marine machin sera bien au second tour.

Live Report #21 : Thomas de Pourquery & Supersonic à la Gaîté lyrique (25 avril 2017)

Heureusement, durant les minutes qui précèdent l'ouverture des portes, les gens commencent à affluer et la file d'attente s'allonge. Une fois entrés à l'intérieur de la salle, les spectateurs se dispersent et la plupart se dirigent d'abord vers le bar, laissant un grand vide un peu triste. Mais le fond de la scène est entièrement recouvert par la pochette du nouvel album de Supersonic et l'effet est plutôt sympa. La seconde chose que je vois, c'est le gong placé derrière la batterie et particulièrement mis en valeur par la lumière provenant de spots. Je profite de la situation pour m'approcher et me placer au premier rang, à l'endroit que je considère comme ayant le meilleur angle d'observation, plutôt sur la droite. D'ailleurs, deux photographes viennent très rapidement s'installer à mes côtés, bientôt imités par une caméraman. J'aperçois également un second appareil au fond de la scène, pile en face de moi et prêt à filmer. J'ai le temps d'entendre tout un album de Metronomy et ce n'est sûrement pas un hasard, vu que Thomas de Pourquery a déjà collaboré avec eux par le passé. Je me retourne un moment pour observer le public qui commence à arriver et lorsque je reprends ma position, deux personnes se sont glissées entre la scène et moi. Heureusement, ce sont des enfants, ce qui me laisse une vue dégagée sur la scène, où s'activent des techniciens qui vérifient les instruments et opèrent des tests d'éclairage. Quelques minutes plus tard, la lumière s'éteint et les musiciens entrent sur scène.

Live Report #21 : Thomas de Pourquery & Supersonic à la Gaîté lyrique (25 avril 2017)

Une note de saxophone assez basse nous salue, bientôt suivie par d'autres qui m'évoquent des klaxons se répondant. Il s'agit de "Titan", la courte ouverture du nouvel album du groupe, qui laisse rapidement place aux vagues de piano nous amenant au morceau "Mermaids". Les musiciens sont placés sur deux lignes. La première comprend les trois cuivres, Thomas de Pouquery au centre, encadré par Laurent Bardainne au saxophone et Fabrice Martinez à la trompette. Derrière eux, on retrouve Edward Perraud à la batterie, Frederick Galiay à la basse et Arnaud Roulin aux claviers. Très rapidement, les notes se mêlent et les rythmes s'affolent, le ton est donné dès le premier morceau et mon intuition se confirme déjà, ça va le faire ! Je bloque tout de suite sur le jeu soutenu du batteur, qui gesticule à l'image d'une pieuvre, tandis que la lourde basse pose l'ambiance et qu'un superbe thème interprété aux cuivres s'élève et m'emporte dans l'euphorie. Une lumière bleue enveloppe les musiciens et un ciel noir étoilé occupe maintenant le fond de la scène. Je sens mon corps qui, échappant à mon contrôle, s'émancipe déjà sous les effets de la musique. La tension retombe, laissant la place au public qui se manifeste par des cris d'encouragement, puis Edward Perraud se lève alors qu'il donne une dernière frappe, laissant les cuivres résonner. Thomas de Pourquery se tape la poitrine du poing, calé sur la batterie qui relance le morceau, laissant cette fois l'espace à la ligne du fond. Notre hôte esquisse quelques pas de danse, avant de les rejoindre dans un solo encré dans la tradition jazz, mais entrecoupé de phases où il se laisse aller, gigotant sur le rythme.

Une petite voix de fillette sort de l'imposante silhouette de Thomas de Pourquery pour nous dire "Bonsoir", alors que quelques notes éparses nous parviennent du trio du fond. Après quelques instants, la ligne de basse s'affirme et je reconnais "We Travel the Space Ways", bientôt porté par la douceur du chant des trois hommes de devant. C'est agréable, je me laisse bercer par les voix et guider par la basse, qui semble clignoter à l'image d'un phare dans la nuit et tressaute comme un écho radar. Malgré l'ambiance apaisante, les mouvements du batteur restent frénétiques. Le plan étoilé est de retour au fond de la scène et des projecteurs donnent savamment l'impression que des étoiles filantes traversent le ciel. J'ai l'impression de planer dans l'espace, nageant sans peine à travers la matière noire. Puis, les cuivres viennent se greffer l'un après l'autre, amenant un tumulte de notes et mélodies qui s'entremêlent avant de se retrouver sur le thème, tandis que la basse hypnotique continue de me faire tourner la tête. Tout s'arrête et seul reste le phare pour nous éclairer, s'éteignant seulement lorsque Thomas de Pourquery commence à chanter, après avoir fait signe à ses acolytes pour lancer "From Planet to Planet". La montée est douce et progressive, mais elle finit par éclater dans un cri libérateur amenant un chaos punk. La basse est entêtante, la frappe de la batterie est lourde et les cuivres s'affolent, tandis que tourne derrière eux une galaxie orangée. Laurent Bardainne nous tourne le dos et rejoint Arnaud Roulin, s'agitant tous deux sur de petites percussions et tout ça me fait un peu penser à la période électrique de Miles Davis. Puis, c'est comme par magie que tous se retrouvent sur un thème gracieux, acclamés par les spectateurs. Le chaos s'est apaisé, le gong retenti et les notes s'amenuisent jusqu'au retour du chant, enveloppé par des nappes synthétiques qui l'emportent se perdre dans le cosmos.

Live Report #21 : Thomas de Pourquery & Supersonic à la Gaîté lyrique (25 avril 2017)

Après une longue salve d'applaudissements, Fabrice Martinez commence à jouer de sa trompette à l'aide d'une sourdine, alors que Frederick Galiay frotte un archet sur les cordes de sa basse. Edward Perraud produit différents sons discrets sur ses cymbales, prenant lui aussi par moment une sorte d'archet, mais recourbé et qui ressemble un peu à un petit arc. Ça m'évoque l'interlude "Let It Come", qui sert davantage de transition sur le disque, mais laissé entre les mains des musiciens, cela prend une tournure expérimentale. Lorsque la basse enchaîne sur l'arpège qui annonce "Slow Down", je suis maintenant à peu près certain que le groupe va jouer l'intégralité de son nouvel album et en conservant l'ordre des morceaux. La voix de Thomas de Pourquery vient doucement se poser sur la musique apaisante, soutenu par les chœurs de ses deux voisins. Quelques vibrations magnétiques viennent troubler la sérénité de l'instant et une salve de trois notes lancée par Laurent Bardainne est rapidement reprise par les deux autres cuivres, les uns après les autres, la trompette en dernier et appuyant bien plus sur l'accentuation, comme si elle était dans une attitude de défi. Un peu plus tard, c'est d'ailleurs un solo de trompette qui viendra animer le morceau, qui s'apparente à une agréable ballade.

Thomas de Pourquery s'adresse enfin à nous, présentant certains musiciens, puis se laissant aller en toute dérision, "Le passé est mort, le futur n'existe pas, seul le présent est éternel." S'en suit une superbe envolée au piano, à laquelle viennent se greffer l'un après l'autre, la trompette, puis les deux saxophones. C'est beau et ça m'évoque l'aurore et les premiers rayons de soleil qui commencent à percer. Après s'être succédé, les airs joués aux cuivres se mélangent et les autres musiciens entrent dans la danse, rassemblés autour d'un thème unique. Puis Thomas de Pourquery et Edward Perraud se retrouvent seuls pour se livrer à un petit passage en duo, plein de ruptures et de rythmes effrénés, de sourires et d'échanges entre les deux musiciens, qui semblent y prendre beaucoup de plaisir, tout comme le public qui n'hésite pas à se manifester. Les deux hommes s'amusent et entre deux regards un peu fous, le batteur lance sa baguette au-dessus de lui, pour la rattraper entre deux coups. Tous se retrouvent ensuite sur le thème principal joué avant cet aparté, puis laissent saxophone et piano terminer le morceau. Bon, là j'avoue, je sèche, je ne sais pas ce que le groupe vient d'interpréter, mais cela semble remplacer le second interlude de l'album, "Diamond Brown".

Live Report #21 : Thomas de Pourquery & Supersonic à la Gaîté lyrique (25 avril 2017)

Alors que Thomas de Pourquery présente à nouveau ses musiciens, c'est tout naturellement que commence à résonner les notes de piano ouvrant le titre "Sons of Love". Encore un superbe thème relevé par une rythmique qui semble rebondir. Puis, la première ligne se met à chanter, tout en suivant une gestuelle bien particulière, illustrant les paroles. Derrière eux, les roulements de batterie se multiplient et des sons synthétiques vrillent, jusqu'à ce que le thème revienne nous emporter. C'est ensuite Laurent Bardainne qui part en roue libre sur une rythmique qui a gagné en intensité, le batteur se lève parfois et la trompette s'offre une brève saillie, puis une seconde, accompagné de Thomas de Pourquery. Tous deux se remettent ensuite à chanter, laissant cette fois leur collègue poursuivre au saxophone, mais ils se retrouvent à nouveau sur le thème final.

Notre hôte se rapproche de son micro et nous sort une longue tirade au sens obscur, entrecoupée de ses propres rires et de ceux du public. On pourrait croire à une parodie ou à un mystique philosophe devant les membres de sa secte, mais l'humeur est à la déconnade. "Ce soir est une soirée exceptionnelle, car…", mais une spectatrice profite de son silence pour intervenir "Car tu es exceptionnel !", ce qui ne laisse pas Thomas de Pourquery sans réparti "Non, oui, mais bon, calme toi… Tu n'es pas la seule à être excitée ce soir". À ce moment-là, il pose son pied sur le retour placé juste devant moi et prend la pause, ce qui fait rire tout le monde. Il faut préciser que le bougre porte une paire de bottes rouge que l'on ne peut pas louper, ce qui ajoute à l'effet comique de la scène. Après cet échange insolite, il reprend son sérieux un instant pour nous demander de faire du bruit pour les techniciens et pour la salle. "Alors ce soir c'est une soirée exceptionnellement exceptionnelle pour nous, puisque nous fêtons la sortie de cet album exceptionnel qu'est "Sons of Love"", sa voix monte alors qu'il prononce le nom du disque et la foule se met à hurler, c'est chaud. Reprenant un air plus officiel, il explique que nous pourrons nous procurer le disque tout à l'heure, ce qui provoque un nouvel échange avec un spectateur et de nouveaux rires. Puis le one-man-show reprend "C'est pourquoi nous allons, à l'issu de cette conférence, nous retrouver peut-être pour dédicacer ces albums incroyables que nous avons fait dans la plus pure tradition de l'artisanat" - éclats de rires de l'assemblée - "Et j'aimerais aussi dire que s'il y en a qui veulent écouter des machines, ils n'ont qu'à se faire une lessive" - nouveaux rires du public - "Il ne nous reste plus qu'un demi morceau à jouer, c'est pourquoi…" - huées de la foule - "… calmez-vous…" - encore des huées du public - "… je vous demande de vous calmer. Je vais m'adresser à vous pendant encore trente-cinq minutes." - mélange de rires et de huées -

Ensuite, il nous explique qu'ils ont besoin de nos voix pour le prochain morceau "de cet album extraordinaire extraordinaire extraordinaire…" - nouveaux rires des spectateurs - Après une nouvelle et longue tirade insensée, qui se termine sous les acclamations et les rires du public, il finit par nous montrer ce qu'ils attendent de nous, avec encore un peu d'humour et alors que les musiciens commencent à jouer "Simple Forces". Petit à petit, j'entends les spectateurs qui chantent, de plus en plus nombreux et suivant les consignes. Ça ressemble vraiment à quelque chose, même si ça ne sonne pas toujours très juste. Puis le morceau déroule dans la tranquillité et la joie, entrecoupé des refrains où les spectateurs reprennent les paroles en nombre. Fabrice Martinez est équipé d'un œuf et d'autres petites percussions, tandis que Frederick Galiay joue de sa basse avec un bottleneck. Une galaxie rose apparait au fond de la scène, la bonne humeur est au rendez-vous et le sourire est sur toutes les lèvres. La musique s'adoucie un moment, le temps de laisser Arnaud Roulin lâcher des fils de notes complètement folles, puis repart quelques instants, avant un long final où Thomas de Pourquery nous pousse à chanter a cappella et decrescendo.

Live Report #21 : Thomas de Pourquery & Supersonic à la Gaîté lyrique (25 avril 2017)

Nous venons d'assister à un joli moment de partage entre artistes et spectateurs. L'ovation est à la hauteur, mais nous n'avons pas le temps de respirer, car une nappe synthétique et menaçante s'échappe du clavier, puis notre hôte nous interpelle "Calmement, implacablement, joyeusement, gravement, la jeunesse emmerde le Front National !" Une tempête s'abat soudain sur nos têtes et nous sommes emportés dans une folle cavalcade entre basse et batterie. Ça y est, nous plongeons dans le côté punk de Supersonic. Puis les trois cuivres se mettent à jouer le thème de "Give the Money Back", tandis que la scène se teinte de rouge et que les spots clignotent comme si c'était la guerre. Des hurlements se font entendre en provenance du public excité et mis sous tension. Le passage chanté continue de mettre la pression, sous la forme d'un jeu de question réponse entre Thomas de Pourquery et les spectateurs. L'agitation règne et gagne le saxophoniste qui se met à danser de plus en plus frénétiquement, tapant du pied par terre, tandis que son chant s'énerve et se termine par un cri. Son ventre généreux fait ressortir le visage de lion imprimé sur son t-shirt jaune, lui donnant du relief, comme si l'animal s'apprêtait à bondir. Puis il tourne sur lui-même tel un lion en cage en agitant énergiquement son bras libre. La cavalcade continue encore avant de s'arrêter un instant, mais elle repart sous l'impulsion d'un hurlement rageur de Thomas de Pourquery. Je suis tout excité, j'ai presque l'impression d'être à un concert de metal tellement ça envoie du lourd. Les cuivres nous assènent ensuite un déluge de notes, certaines improbables, dans un passage à haute intensité. Laurent Bardainne a encore rejoint Arnaud Roulin, qui s'active aux percussions depuis le début de la tempête. Mais tout s'arrête le temps d'un souffle qui nous aspire et nous relâche à nouveau dans un dernier maelstrom de notes, dont la violence s'est encore accrue et qui se terminera par un autre hurlement bestial de notre hôte. Whaou, les gens n'arrêtent plus d'applaudir et de crier, j'en ai pris plein la gueule, c'était énorme !

Après quelques instants de répit, le saxophone de Thomas de Pourquery et le piano de Arnaud Roulin s'offrent un joli duo qui amène doucement "Revolutions", le dernier morceau du disque. Le thème et le son me font penser à la musique de Beirut et je peux sentir l'émotion monter dans le public, tandis que Edward Perraud joue à nouveau avec son archet et frotte ses cymbales de l'extrémité d'une baguette, produisant des sons d'ambiance. Puis vient la montée qui explose dans une jouissance lumineuse, je suis ébloui par la majesté des cuivres et la rythmique appuyée, c'est beau. Thomas de Pourquery profite des dernières notes pour présenter tous les musiciens, salués avec passion par un public reconnaissant, avant qu'ils ne sortent tous de scène.

Ils reviennent assez vite et le fauve à la voix douce reprend la parole "Bienvenu ! On va vous jouer un ancien morceau. Sun Ra disait lui-même que l'humanité est sur la bonne route, mais dans la mauvaise direction", quelqu'un dans le public cri quelque chose, notre hôte lui répond très sereinement "Calme toi", ce qui déclenche de nouveaux rires. Puis, certains spectateurs manifestent leur joie lorsqu'ils reconnaissent les premières notes du fameux "Love in Outer Space" de Sun Ra. La basse délicate nous berce, alors que l'archet et de retour sur les cymbales, puis c'est sous un ciel étoilé que les trois hommes de devant nous délivrent cette merveilleuse ligne de chant. Thomas de Pourquery prend le rôle de chanteur principal et les musiciens nous emportent dans une mousseline soyeuse, j'ai un peu l'impression d'être allongé sur un nuage. Un vrai moment de douceur, relevé par les gesticulations du batteur qui se tord en voulant produire certains sons. De Pourquery et Bardainne s'offrent un petit moment où ils se balancent ensemble d'un côté à l'autre, d'une manière qui serait presque romantique. Puis c'est l'extase, lorsque les trois cuivres jouent ensemble, avant que la berceuse ne reparte et nous apporte la zénitude, nous laissant un instant dans le noir, seuls avec les étoiles.

Après avoir déchaîné la tempête, Supersonic a un peu calmé la foule ces dernières minutes, mais quelque chose me dit que cela n'est que provisoire. Alors que les musiciens se mettent de nouveau à jouer dans un joyeux bordel et que le public a déjà retrouvé son entrain, Thomas de Pourquery présente deux invités, Fabrice Theuillon au saxophone et "Monsieur" Daniel Zimmerman au trombone (collaborateur de longue date de notre hôte), avant d'annoncer "Space Is the Place", une autre reprise de Sun Ra. Je suis complètement emballé par ce thème majestueux joués par les cinq cuivres et par le jeu de batterie très percutant, mais pas seulement, l'ensemble est vraiment impressionnant. Thomas de Pourquery prend à nouveau le chant, alors que les duos Zimmerman/Martinez et Theuillon/Bardainne se partagent deux micros pour les chœurs. Laurent Bardainne et Fabrice Theuillon enchaîne un solo l'un après l'autre, rejoint par le trombone, puis par tous leurs acolytes. De Pourquery nous fait ensuite chanter avec lui le refrain dans un moment d'accalmie, avant que la petite troupe ne parte dans une démonstration de désordre organisé, prolongé par une prestation frénétique de Thomas de Pourquery, Frederick Galiay (qui a repris son archet) et Edward Perraud (qui bondit littéralement de sa batterie à plusieurs reprises), avant de se terminer dans un calme sous tension, relevé par le bruit du gong qui résonne à plusieurs reprises. Mais personne ne s'est réellement arrêté de jouer et, lancé par un geste de Thomas de Pourquery, le duo Theuillon/Bardainne nous assène des notes agressives et reconnaissables facilement pour ceux qui connaissent ce troisième titre de Sun Ra, "Shadow World". Les deux hommes sont soutenus par des notes de piano menaçantes et rejoints par Daniel Zimmerman. Le batteur est debout, impatient, puis s'assoit d'un coup, lançant une rythmique soutenue, en même temps que décolle un gimmick de basse répétitif. Le résultat est totalement emballant et hypnotique, des frissons qui me parcourent le corps. Les six hommes ayant amenés la base du morceau continuent à la maintenir, tandis que De Pourquery et Martinez s'offrent une envolée saxophone/trompette. J'adore ! Puis, soudain, tout s'arrête alors que le duo se retourne. Mais ce n'est qu'une feinte, car la machine se relance de plus belle. J'ai l'impression d'assister à une cérémonie tribale, où des shamans invoquent de mystérieuses forces implacables enfermées au fin fond de l'espace. Un nouveau geste de son leader et le groupe s'arrête de jouer, à l'exception du trio aux notes agressives qui tient le coup en boucle depuis le début, épaulé par un piano devenu totalement fou. Ils continuent un long moment, puis les autres réveillent doucement la bête, qui finit par sortir de sa tanière. Là, je dois dire que j'ai des étoiles plein les yeux. À part le trio qui ne faiblit toujours pas et m'impressionne, chacun se met à jouer une partie différente pour créer un chaos sonore dans lequel je me noie avec plaisir. La trompette reste classique, tandis que le saxophone se libère complètement, les gestes amples et rapides du batteur semblent amplifier ses frappes lourdes et l'archet est de retour sur les cordes de la basse pour la défriser. Après un bon moment de trip, la machine s'essouffle et finit par s'arrêter. Thomas de Pourquery nous remercie et présente à nouveaux les musiciens et le staff sous un tonnerre d'applaudissements et un orage de cris. Pas de doute, le groupe a largement convaincu l'assemblée, c'est un véritable triomphe.

Live Report #21 : Thomas de Pourquery & Supersonic à la Gaîté lyrique (25 avril 2017)
Live Report #21 : Thomas de Pourquery & Supersonic à la Gaîté lyrique (25 avril 2017)

Avec ces deux derniers morceaux joués presque comme une seule pièce sur environ quinze minutes, Supersonic m'a totalement ébloui, me ramenant au jazz que je préfère et parfois même à des sensations me rappelant John Coltrane, Miles Davis ou bien Magma. Ce soir, j'ai eu l'impression que c'était un concert exceptionnellement exceptionnel, mais je suis persuadé qu'ils sont toujours autant impliqués et inspirés. Ça ne me surprend pas vraiment, car je me souviens avoir été particulièrement emballé lorsque je les ai découvert sur scène la première fois. Impression confirmée ce soir, ils assurent vraiment en live et leur musique me parle beaucoup. À la sortie, j'en profite pour acheter le disque "Sons of Love", que je n'ai pas encore et je vous encourage à vous y plonger. En faisant quelques recherches sur Thomas de Pourquery, j'ai découvert tout un tas de projets que j'ai commencé à éplucher, mais je suis bien curieux d'en entendre davantage et de voir quelles voies il explorera dans le futur, en tout cas, ça promet.

Tehos

Setlist :

  1. - "Titan"
  2. - "Mermaids"
  3. - "We Travel the Space Ways"
  4. - "From Planet to Planet"
  5. - "Slow Down" (précédé d'une improvisation trompette/basse)
  6. - "Unknown" (morceau non identifié, contenant une improvisation saxophone/batterie)
  7. - "Sons of Love"
  8. - "Simple Forces"
  9. - "Give the Money Back"
  10. - "Revolutions"
  11.  
  12. - "Love in Outer Space" (reprise de Sun Ra)
  13. - "Space Is the Place" (reprise de Sun Ra, avec Daniel Zimmerman et Fabrice Theuillon)

- "Shadow World" (reprise de Sun Ra, avec Daniel Zimmerman et Fabrice Theuillon)

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